dimanche 24 juillet 2011

De tout et de rien

La vie s’est clairement accélérée dernièrement avec un retour en force dans la vie intellectuelle. Ça me draine l’énergie qui me permettait d’écrire plus régulièrement. Si je n’ai que bien peu écrit ces derniers temps, ce n’est donc pas parce que mes dernières semaines furent vides ou indignes d’intérêt, c’est plutôt l’inverse.

Mon travail archivistique s’est déplacé du côté de la Casa de la Cultura, une archive un peu bordélique, disons non cataloguée, mais au potentiel assez riche pour la période et les thématiques abordées par mon projet. Ça a quelque chose de rassurant à deux niveaux. D’abord, l’inquiétude de rentrer au pays sans avoir récolté suffisamment de matériel pour commencer à écrire se dissipe tranquillement. J’ai déjà deux chapitres en tête. Ensuite, je me rend compte que mon dégoût de l’archive n’en est pas vraiment un. Ce qui me répugne dans la recherche, c’est davantage la stagnation, le sentiment d’avancer dans le beurre, de tourner en rond, de travailler pour rien. Quand je trouve des sources pertinentes, le travail archivistique devient nettement plus plaisant. Malheureusement, par la nature de l’objet de mes recherches, il m’est beaucoup plus fréquent de ne rien trouver…

Intellectuellement parlant, je poursuis également mes cours d’aymara à raison de trois fois par semaine, mais je crois que la semaine à venir sera ma dernière semaine de classes, les cours me grugeant trop de temps à mon goût. Et c’est vraiment, vraiment dur. Vraiment. En fait, je ne pense pas que ce soit une langue qui existe pour vrai (à titre anecdotique, il n’existe ni de verbe être ni de verbe avoir en aymara. Très pratique). Je suis plutôt poche avec les langues. Celles qu’on parle, je veux dire.

Sœur et amiEs seront de passage dans une semaine environ, histoire de me rappeler un peu le Québec avant mon retour. Je vais essayer de jouer un peu les guides touristiques pour le groupe, ce qui ne devrait pas être si facile, étant moi-même si peu touriste (dans le sens où j’ai une réaction complètement adolescente contre les touristes en général). Je saurai trouver.

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Je suis aller voir In a Better World hier. C’était la huitième fois que j’allais au cinéma depuis que je suis en Bolivie, et c’était seulement la deuxième fois que le film que je voyais n’étais pas une suite quelconque… C’est vrai que j’ai eu droit à du grand cinéma au cours des derniers mois (Pirates des Caraïbes IV, Hangover II, X-men quelque chose, The Fast and the Furious 5 (oui, oui), Transformers III (un chef-d’oeuvre), Harry Potter VII (je pense)). Ainsi, sans être une œuvre transcendante, le film d’hier est apparu comme un baume sur ma cinéphilie. Très belle photographie, quoiqu’un peu appuyée parfois, bonne prestation des acteurs, sauf peut-être le visage mono-expressif de Christian, et thématique habillement explorée du rapport individuel et collectif vis-à-vis de la violence. Je comprends l’oscar du meilleur film étranger (même si Des Hommes et des dieux (même pas en compétition) était 12 000 fois plus puissant, mais bon, c’est les Oscars quand même).

J’ai compensé ce besoin d’art généralement comblé chez moi avec le cinéma par la littérature. J’ai, avec mille ans de retard, lu mon premier Ducharme, L’avalée des avalés. Je ne vous apprendrai probablement pas grand chose, mais mon Dieu que c’est bon. C’est si bon et si différent de ce à quoi je m’attendais. Je ne pensais certainement pas me retrouver en  Israël à la fin de ce livre là. Et quelle violence, une rage si forte, une haine presque ontologique. Et le rythme. Et le style. Il y a longtemps qu’un livre ne m’avait pas atteint.

À la suite, j’ai commencé Les Bienveillantes. C’est jusqu’à présent très bon. Essentiel. Je serais toutefois beaucoup plus enthousiaste devant cette lecture s’il ne me restait pas 1240 pages à lire. Mais bon, on n’est pas pressé…

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Dans un tout autre ordre d’idée, je veux un chien et une ferme. Mais bon, ça va passer.

J’essaie de vous écrire de nouveau dans pas trop longtemps. D’ici là, prenez soin de vous.

dimanche 3 juillet 2011

Retour vers le futur (enfin, vers le passé d’abord…)

L’hiver est là. À mon retour de Sucre, La Paz neigeait. Cet étrange phénomène météorologique a eu pour conséquence de retarder notre vol (je voyageais en compagnie de Matt et de Luna, sa copine) d’environ 3h30. Je n’aime pas vraiment les aéroports, je n‘aime pas attendre pour mon avion, je n’aime pas attendre pour mon avion en retard, et plus encore, je n’aime pas attendre pour mon avion en retard alors que je suis dans un état de lendemain de veille sans doute plus près des morts que des vivants. Bon, d’accord, j’exagère sans doute un peu, mais disons que notre trio n’est pas beau à voir. Le congrès s’est terminé comme un congrès doit se terminer, à 5h du matin… Message reçu de Jorge, alors que nous arrivons à La Paz : Estoy destruido. Dormi una hora en la calle antes de volver al hotel. Es duro existir… Ah ce que ces intellectuels peuvent être responsables ! Mais une chose à la fois. La dernière fois où je vous donnais un échantillon de nouvelles, la fête del Gran Poder approchait. Remontons donc un brin dans le temps pour se rappeler les événements qui ont marqué les dernières semaines…

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Je trouve la porte, discrète, sur ma gauche. Je tombe sur un long corridor extérieur. En débouchant sur la rue je me rends compte que je n’ai aucune idée d’où je me trouve. Il est 4h00 du matin et ne pas tituber relève de l’exploit. Je commence à marcher, adoptant le pas propice à l’heure qu’il est : rapide, déterminé. Mais où aller ? Descendre m’apparaît judicieux. J’aurais dû porter un peu attention aux directions lorsque j’ai emboîté le pas au groupe qui venait de lancer l’excellente idée de quitter le bar où nous étions pour aller danser. À 2h55. Les intersections se succèdent au rythme de mes non souvenirs jusqu’à ce que je débouche enfin en terrain connu. Je suis dans San Pedro, tout va bien, je rentrerai sain et sauve chez moi. Petite balade trop chère en taxi et me voilà. Bonne nuit.

La journée avait commencée bien tôt, festivités del Gran Poder obligent. Histoire d’avoir de bonnes places (ou des places tout simplement), Yeri avait suggéré que nous nous rencontrions à 10h sur le Prado. Une petite pause café en chemin s’avérait nécessaire, de sorte que nous arrivons sur les lieux du crime à venir une quinzaine de minutes plus tard. Déjà, on sent une certaine fébrilité dans l’air. Le ciel est plus maussade qu’à l’accoutumée, ce qui n’empêche pas la bière – sans doute dans un élan compensatoire – de déjà couler généreusement (nous nous abstenons tout de même, encore trop tôt). Après quelques tergiversations, nous ancrons finalement nos postérieurs au haut d’une des estrades de fortune érigées en remparts aux abords de la rue. Le défilé est déjà en branle depuis les environs de 8h30.

La fiesta del Gran Poder est une fête religieuse aux élans carnavalesques. Sans doute la deuxième ou troisième célébration en importance en Bolivie, après le carnaval de Oruro, cette fête qui se déroule durant toute une journée et une bonne partie de la nuit consiste en un long défilé dans les rues de La Paz (le « parcours » dure environ cinq heures) qu’une cinquantaine de troupes de danseurs  (elles étaient 58 cette année) sillonnent en faisant la démonstration des diverses danses traditionnelles dont elles sont spécialistes. Morenada, diablada, waka-waka (une de mes préférée), tinku, doctorcitos (la plus carnavalesque, à mon sens), etc., au moins une dizaine de danses sont présentées tout au long de la journée. L’expérience est à vivre, surtout lorsque vous avez Yeri comme guide personnel. Ce gars-là est une véritable encyclopédie. Non seulement a-t-il un savoir monumental et le talent de pédagogue pour le partager d’une manière compréhensible et intéressante, mais en plus, il aime ce partage. Ainsi, tout au long de la journée, François et moi avons eu droit à de multiples explications sur l’origine historique, concrète et/ou légendaire, de ces diverses danses, sur la signification des mouvements, des costumes, de la musique, sur l’origine des différents groupes, sur le prix des costumes, sur la signification personnelle et communautaire d’une participation au défilé, etc., etc., etc. Fascinant ! J’avoue toutefois qu’après quelques heures, se défilé devient lassant, répétitif… Mais l’expérience est aussi à vivre pour comprendre une part de la culture bolivienne, non pas folklorique, mais immédiate, quotidienne, anthropologique… Je veux dire pour regarder et faire partie de la foule.




















Gran Poder oblige, on a tout de même commencer à boire (de cette délicieuse Paceña, humm, un délice…) vers 11h30. François était moins enthousiasmé que Yeri et moi, ressentant encore les séquelles, je crois, de son immersion du samedi précédent et des conséquences gastriques de celle-ci. L’après-midi frayant son chemin dans le temps, le soleil aussi jugea bon de montrer des signes de vie. Mais le fond de l’air (non, non, pas la surface, le fond) demeurait frais. D’où la nécessité de se réchauffer avec les moyens du bar, si vous voyer ce que je veux dire. 






































La journée battant son plein, on fraternise avec les gens qui nous entourent. Sur notre gauche, deux couples d’amis d’une quarantaine/cinquantaine d’années semblent nous trouver fort sympathiques (il faut dire que Yeri est un aimant à sociabilité). Parle, parle, jase, jase. Parle, jase, encore. Rencontre la fille des uns qui défilait aujourd’hui, parle de politique avec papa, parle d’histoire avec maman, etc. 18h arrive et notre trio se doit (ratio bière/manger dans l’bedon oblige) de quitter les lieux histoire d’aller se nourrir. On reçoit une invitation pour un éventuel souper chez la famille. Le père me tend sa carte d’affaire, et sa deuxième, question d’être certain que l’on puisse le rejoindre. Nous quittons. Je lis la carte : le gars est président de la chambre de commerce de Bolivie. Ça s’est drôle !






Je vous passe la petite escarmouche qui a failli éclater avec une bande de jeunes (à elle toute seule) légèrement altérée (vive la Bolivie). Pause pipi. Pause prendre de l’argent. Nous allons souper. Yeri (sans doute en raison de son âge) nous quitte après le souper. François et moi allons prendre un verre supplémentaire au Diesel, bar très hip à l’architecture postindustrielle plutôt amusante (François s’excite devant les moteurs d’avions qui agrémentent le décor). On discute d’un plan pour faire la révolution. Ça demeure en chantier…

Retour à a maison vers 12h30. François se sent plus ou moins bien, peut-être une petite sensibilité à l’altitude qui se présente sur le tard. Il va se coucher vers une heure. Alors que je remets mon sommeil à plus tard pour des raisons de youtubage, je reçois un texto de Matt qui me suggère d’aller le rejoindre, lui et ses amis, dans un bar X de Sopocachi. En tant qu’individu responsable, j’accepte, et après m’être assurer de la stabilité de François (et lui avoir laisser mon cellulaire avec le numéro de Matt, quand même…) je fonce dans la nuit (oui, oui) pour retrouver cette autre bande de copains.

J’y rencontre Jorge, Bolivien étudiant la sociologie à la University of Texas-Austin, plus que sympathique personnage, et sa copine Sarah, journaliste américaine travaillant en Bolivie depuis deux ans, toute aussi sympathique. Ils reviendront dans mes histoires. La nuit s’étire dans une chique de coca et l’idée est lancée d’aller danser ailleurs.


Je trouve la porte, discrète, sur ma gauche. Je tombe sur un long corridor extérieur…

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François quittera le lendemain pour Uyuni et son fameux désert de sel. Nous nous retrouverons une semaine plus tard à Sucre. La semaine qui m’attend alors en est une d’intense procrastination relativement à cette présentation de congrès que j’ai à préparer. Mais il y a la St-Jean entre les deux et une bande d’expatriés québécois à rencontrer. Je vous écris la suite bientôt.