dimanche 3 juillet 2011

Retour vers le futur (enfin, vers le passé d’abord…)

L’hiver est là. À mon retour de Sucre, La Paz neigeait. Cet étrange phénomène météorologique a eu pour conséquence de retarder notre vol (je voyageais en compagnie de Matt et de Luna, sa copine) d’environ 3h30. Je n’aime pas vraiment les aéroports, je n‘aime pas attendre pour mon avion, je n’aime pas attendre pour mon avion en retard, et plus encore, je n’aime pas attendre pour mon avion en retard alors que je suis dans un état de lendemain de veille sans doute plus près des morts que des vivants. Bon, d’accord, j’exagère sans doute un peu, mais disons que notre trio n’est pas beau à voir. Le congrès s’est terminé comme un congrès doit se terminer, à 5h du matin… Message reçu de Jorge, alors que nous arrivons à La Paz : Estoy destruido. Dormi una hora en la calle antes de volver al hotel. Es duro existir… Ah ce que ces intellectuels peuvent être responsables ! Mais une chose à la fois. La dernière fois où je vous donnais un échantillon de nouvelles, la fête del Gran Poder approchait. Remontons donc un brin dans le temps pour se rappeler les événements qui ont marqué les dernières semaines…

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Je trouve la porte, discrète, sur ma gauche. Je tombe sur un long corridor extérieur. En débouchant sur la rue je me rends compte que je n’ai aucune idée d’où je me trouve. Il est 4h00 du matin et ne pas tituber relève de l’exploit. Je commence à marcher, adoptant le pas propice à l’heure qu’il est : rapide, déterminé. Mais où aller ? Descendre m’apparaît judicieux. J’aurais dû porter un peu attention aux directions lorsque j’ai emboîté le pas au groupe qui venait de lancer l’excellente idée de quitter le bar où nous étions pour aller danser. À 2h55. Les intersections se succèdent au rythme de mes non souvenirs jusqu’à ce que je débouche enfin en terrain connu. Je suis dans San Pedro, tout va bien, je rentrerai sain et sauve chez moi. Petite balade trop chère en taxi et me voilà. Bonne nuit.

La journée avait commencée bien tôt, festivités del Gran Poder obligent. Histoire d’avoir de bonnes places (ou des places tout simplement), Yeri avait suggéré que nous nous rencontrions à 10h sur le Prado. Une petite pause café en chemin s’avérait nécessaire, de sorte que nous arrivons sur les lieux du crime à venir une quinzaine de minutes plus tard. Déjà, on sent une certaine fébrilité dans l’air. Le ciel est plus maussade qu’à l’accoutumée, ce qui n’empêche pas la bière – sans doute dans un élan compensatoire – de déjà couler généreusement (nous nous abstenons tout de même, encore trop tôt). Après quelques tergiversations, nous ancrons finalement nos postérieurs au haut d’une des estrades de fortune érigées en remparts aux abords de la rue. Le défilé est déjà en branle depuis les environs de 8h30.

La fiesta del Gran Poder est une fête religieuse aux élans carnavalesques. Sans doute la deuxième ou troisième célébration en importance en Bolivie, après le carnaval de Oruro, cette fête qui se déroule durant toute une journée et une bonne partie de la nuit consiste en un long défilé dans les rues de La Paz (le « parcours » dure environ cinq heures) qu’une cinquantaine de troupes de danseurs  (elles étaient 58 cette année) sillonnent en faisant la démonstration des diverses danses traditionnelles dont elles sont spécialistes. Morenada, diablada, waka-waka (une de mes préférée), tinku, doctorcitos (la plus carnavalesque, à mon sens), etc., au moins une dizaine de danses sont présentées tout au long de la journée. L’expérience est à vivre, surtout lorsque vous avez Yeri comme guide personnel. Ce gars-là est une véritable encyclopédie. Non seulement a-t-il un savoir monumental et le talent de pédagogue pour le partager d’une manière compréhensible et intéressante, mais en plus, il aime ce partage. Ainsi, tout au long de la journée, François et moi avons eu droit à de multiples explications sur l’origine historique, concrète et/ou légendaire, de ces diverses danses, sur la signification des mouvements, des costumes, de la musique, sur l’origine des différents groupes, sur le prix des costumes, sur la signification personnelle et communautaire d’une participation au défilé, etc., etc., etc. Fascinant ! J’avoue toutefois qu’après quelques heures, se défilé devient lassant, répétitif… Mais l’expérience est aussi à vivre pour comprendre une part de la culture bolivienne, non pas folklorique, mais immédiate, quotidienne, anthropologique… Je veux dire pour regarder et faire partie de la foule.




















Gran Poder oblige, on a tout de même commencer à boire (de cette délicieuse Paceña, humm, un délice…) vers 11h30. François était moins enthousiasmé que Yeri et moi, ressentant encore les séquelles, je crois, de son immersion du samedi précédent et des conséquences gastriques de celle-ci. L’après-midi frayant son chemin dans le temps, le soleil aussi jugea bon de montrer des signes de vie. Mais le fond de l’air (non, non, pas la surface, le fond) demeurait frais. D’où la nécessité de se réchauffer avec les moyens du bar, si vous voyer ce que je veux dire. 






































La journée battant son plein, on fraternise avec les gens qui nous entourent. Sur notre gauche, deux couples d’amis d’une quarantaine/cinquantaine d’années semblent nous trouver fort sympathiques (il faut dire que Yeri est un aimant à sociabilité). Parle, parle, jase, jase. Parle, jase, encore. Rencontre la fille des uns qui défilait aujourd’hui, parle de politique avec papa, parle d’histoire avec maman, etc. 18h arrive et notre trio se doit (ratio bière/manger dans l’bedon oblige) de quitter les lieux histoire d’aller se nourrir. On reçoit une invitation pour un éventuel souper chez la famille. Le père me tend sa carte d’affaire, et sa deuxième, question d’être certain que l’on puisse le rejoindre. Nous quittons. Je lis la carte : le gars est président de la chambre de commerce de Bolivie. Ça s’est drôle !






Je vous passe la petite escarmouche qui a failli éclater avec une bande de jeunes (à elle toute seule) légèrement altérée (vive la Bolivie). Pause pipi. Pause prendre de l’argent. Nous allons souper. Yeri (sans doute en raison de son âge) nous quitte après le souper. François et moi allons prendre un verre supplémentaire au Diesel, bar très hip à l’architecture postindustrielle plutôt amusante (François s’excite devant les moteurs d’avions qui agrémentent le décor). On discute d’un plan pour faire la révolution. Ça demeure en chantier…

Retour à a maison vers 12h30. François se sent plus ou moins bien, peut-être une petite sensibilité à l’altitude qui se présente sur le tard. Il va se coucher vers une heure. Alors que je remets mon sommeil à plus tard pour des raisons de youtubage, je reçois un texto de Matt qui me suggère d’aller le rejoindre, lui et ses amis, dans un bar X de Sopocachi. En tant qu’individu responsable, j’accepte, et après m’être assurer de la stabilité de François (et lui avoir laisser mon cellulaire avec le numéro de Matt, quand même…) je fonce dans la nuit (oui, oui) pour retrouver cette autre bande de copains.

J’y rencontre Jorge, Bolivien étudiant la sociologie à la University of Texas-Austin, plus que sympathique personnage, et sa copine Sarah, journaliste américaine travaillant en Bolivie depuis deux ans, toute aussi sympathique. Ils reviendront dans mes histoires. La nuit s’étire dans une chique de coca et l’idée est lancée d’aller danser ailleurs.


Je trouve la porte, discrète, sur ma gauche. Je tombe sur un long corridor extérieur…

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François quittera le lendemain pour Uyuni et son fameux désert de sel. Nous nous retrouverons une semaine plus tard à Sucre. La semaine qui m’attend alors en est une d’intense procrastination relativement à cette présentation de congrès que j’ai à préparer. Mais il y a la St-Jean entre les deux et une bande d’expatriés québécois à rencontrer. Je vous écris la suite bientôt.

2 commentaires:

  1. Les femmes avec la face du Che sur la capine et des biberons dans les mains, elles dansent la waka-waka ?

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  2. Non, elles dansent la morenada. Waka veut dire vache en aymara (un emprunt de l'espagnol) ; la waka-waka, c'est donc le gros monsieur avec la vache qui la danse.

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