lundi 28 mars 2011

Un dimanche après-midi à Sopocachi


C’est finalement toujours la saison des pluies. Chaque après-midi, de 14h à 16h30, il pleut. Quoi faire sinon écrire ?


Je l’ai déjà dit et je vais sans doute le répéter encore, mais La Paz est une ville passablement grouillante. Une urbanité tellement vivante, tellement dense, la sensation d’un marché public étendu sur des kilomètres. La Paz, c’est le bruit perpétuel de cris d’enfants et de rabatteurs dans leurs collectivos entremêler de klaxons, de moteurs criant leur agonie et de vendeurs itinérants. La Paz, c’est l’odeur dont je vous parlais, c’est le souffle qui vous est court, c’est l’infini qui se dresse constamment devant vous. Mais cette vie paceña s’éteint chaque dimanche. Dans son essoufflante rythmique hebdomadaire, la ville semble avoir besoin de ce silence, de ce point à la fois de rupture et de jonction, qui permet à son cycle incessant de se perpétuer…

Dimanche, journée familiale pour les locaux, devient l’occasion parfaite pour le flâneur que je suis d’aller déambuler dans les escarpements soudainement silencieux du décor. Aussi convenu que cela puisse paraître, on dirait vraiment que la ville est endormie, son activité s’est tue, son paysage s’est dégagé. Autant que moi, La Paz à besoin de ce congé, de cette bradycardie ordonnée qui lui permet de revivre, encore et toujours. En plus de diminuer significativement le risque que j’ai de mourir d’un accident de la route (priorité au piéton, vous dites ?), cette tranquillité nouvelle confère à ma marche un sens beaucoup plus méditatif qu’à l’habitude. On dirait qu’à bien des égards, la ville s’est délestée de sa mémoire en l’inscrivant dans une matérialité qui la fait disparaître par une exposition quotidienne. La surexposition, à travers la multiplication des sites commémoratif et des lieux de mémoire officiels et officieux, semble avoir généré une désensibilisation aux ravages du passé qui pourtant s’articulent dans cette fixité commémorative. Pourquoi l’éternel statut de Colomb – la genèse du viol originel –, pourquoi cette constante valorisation de l’indépendance qui n’est au fond qu’un changement nominal dans la domination, pourquoi Bolívar,  Abaroa, Santa Cruz, pourquoi Cervantès (vraiment, Cervantès) ? Ne répondez pas, je sais.

La revendication formelle de cette mémoire me semble pourtant d’une telle violence symbolique. Ma question est plutôt, pourquoi pas la révolution ? Mais ne répondez pas à celle-là non plus…

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