mercredi 11 mai 2011

L’aventure : affranchir le Rubicond (part. 6/7)

Sucre est morne comme un Plan Nord aujourd’hui. La ville blanche est étrangement grise en ce terne matin. Mais ce n’est point d’elle dont j’ai l’intension de vous parler, nous serons donc saufs en nous plongeant dans le matutinal soleil de l’Altiplano.

Nous en étions à ce réveil au bord des eaux qui dans leur glauque apparence nocturne nous avait plongé, au sec, dans un campement de fortune sur sa rive… Malgré le soleil en pleine ascension, l’air était pinçant, croustillant dans nos os endormis. Rapide activation, rapide exploration.  En l’espace d’un battement de cil, le campement est levé, c’est ici que nous passons. Désormais aguerris de nos exploits (not !) de la veille, c’est avec fougue et sans hésitation que nous nous engageons en travers des eaux boueuses que la nuit avait enveloppées d’un restant de frimas évanoui. Le courage sur l’accélérateur, les éclaboussures dans l’immensité, notre Nissan rugit sa frayeur en frayant son chemin : nous sommes passé ! Enfin, c’est ce que nous pensons alors…  

Une fois l’obstacle passé et son ridicule assumé dans nos rires, nous poursuivons notre voie dans la direction la plus chemin-morphique possible. Sur le faux plat qui masse nos roues, faux plat au sens d’accidenté relief en apparence plat, les obstacles à venir se maquillent d’innocence. Si bien que c’est subjugués que nous nous frontons finalement à la véritable rivière à franchir. Notre délai nocturne n’ayant finalement pris que la forme d’une interminable et longiligne flaque…



Photo : Lindsey 




Photo : Lindsey  



La rivière qui se dresse devant nous n’est point particulièrement profonde, mais elle est large et s’échappe vers l’Est dans un courant suffisant pour semer le doute en nous. Nous décidons donc de la remonter (un chemin longeant le dit cours d’eau), en espérant trouver une section davantage propice à la grande traversée. Nous nous arrêtons auprès d’une dame vivant seule (avec ses trois chiens, noirs, mauvais présage) au milieu de nul part (vraiment, plus isolé que ça t’es au fond de l’océan) qui nous donne d’indistinctes indications… La rivière comme la route de plus en plus sentier, s’enfoncent dans les montagnes et mène clairement vers le Chili (nous comprendrons plus tard qu’il s’agit d’un passage pour la contrebande entre les deux pays). Nous nous décidons alors à rebrousser chemin, pour finalement revenir à notre premier point de contact avec la rivière. La fatigue de la courte nuit et de la longue journée ayant précédée, rend les esprits moins lestes, et une certaine irritabilité emplie l’air poussiéreux. Le débat s’active. Traverser (et courir le risque de rester pris au milieu d’une rivière et tout ce que cela comporte), rebrousser chemin et passer par Sabaya (ce qui impliquerait environ 7 heures de route supplémentaires pour atteindre notre destination), tenter de passer par le Chili (et risquer de nombreux problème douaniers, Yeri n’ayant pas son passeport avec lui étant en attente d’une prolongation de visa). Notre groupe est divisé, mais nous optons finalement pour un retour vers le dernier village que nous avons croisé, soit environ 20 minutes en amont de notre route initiale…

Nous franchissons en sens inverse les divers obstacles jusqu’alors rencontrés (l’expérience commence à rentrer) et arrivons finalement à cette endroit dont j’oubli le nom et d’où un gentil évangéliste nous avait guidé la veille. C’est l’heure de la messe (il est environ 8h00-8h30). Ma journée semble déjà vieille et usée. Nous nous arrêtons histoire de faire le plein d’énergie, un brin de toilette et d’engager les pourparlers avec les locaux. Il semble qu’il soit tout à fait possible de traverser là où nous nous sommes arrêter en premier lieu (des hommes l’ont fait la veille)… il s’agit simplement de savoir où passer. Alors que nous grignotons un petit peu, Yeri joue à l’ambassadeur auprès de la population locale (vous connaissez l’expression peoples’s skills, Yeri en est définitivement l’incarnation). « Eh Lindsey, you want to get us some capital of sympathy? » Un homme souffrant de douleurs abdominales nécessite l’aide d’un médecin. Nous en avons justement une avec nous… Lindsey et Yeri disparaissent donc vers le petit dispensaire du village en compagnie du malade et d’un petit groupe de villageois… Pendant ce temps, Andrea converse avec les enfants jouant sur la place centrale, Karl et moi discutons des options s’offrant à nous, alors que le haut-parleur attaché à l’église évangéliste (il y a également une église catholique, probablement dépourvu de prêtre toutefois, dans ce petit village de quelques centaines d’habitants au maximum) diffuse le détail des activités paroissial de la journée (il semble que ce soit jour de photos aujourd’hui)…



Photo : Andrea 


Photo : Lindsey  


Photo : Lindsey  



Au bout du petit matin, une demi-heure environ, nos acolytes sont de retour et dispensent les derniers conseils au malade. Pour les curieux, l’homme, qui est de la région de Sucre et n’est que de passage pour voir de la famille, souffre de constipation sévère depuis quelques jours. Aussi bien équipés soient-ils, les gringos en voyage trainent rarement des laxatifs avec eux, c’est plutôt le contraire disons… On traite donc avec les moyens du bar… La bonne nouvelle pour nous est que pendant toute cette opération, Yeri en a profité pour nous trouver un guide : l’infirmier du coin nous ouvrira la voie au volant de son VTT.

On fini de pacter les p’tits et on repart à nouveau en sens inverse. Notre guide n’a décidemment pas le pouce léger (l’accélérateur sur un VTT est au niveau des poignées, non ?) et nous peinons à le suivre. Il nous attend toutefois au premier point d’eau à franchir. Là, négligeant nos distinctions véhiculaires, il nous montre qu’avec un VTT, c’est vraiment facile de franchir n’importe quoi.


 Photo : Lindsey 

Nous prenons, disons, un peu plus de temps à franchir la chose, mais nous commençons à en avoir l’habitude, alors le tout ce fait désormais sans réelle crainte. Nous poursuivons alors vers le prochain site de traverse dans un horizon, cependant, dépourvu de guide. Disparu. Arrivés à la rivière : pas de guide.


Photo : Lindsey  


Photo : Lindsey  



La recherche est infructueuse. Mais où a-t-il pu aller ? Nous reprenons donc l’analyse de la situation avec cette fois l’idée qu’il est possible de franchir cette aqueuse barrière. Les pieds dans l’eau glacée, on inspecte le fond, sa fermeté, sa profondeur, le courant. On fait comme si on savait comment ça fonctionne… et on décide de passer. On passe. Joie et orgueil se confondent dans ce qui est encore une bien jeune journée.


Photo : Lindsey  


Photo : Lindsey  


Photo : Lindsey  


Photo : Lindsey  



L’aventure se poursuit donc, emplie d’une légèreté qu’elle semblait avoir perdue en cet incandescent matin. Nous sommes gaillards, portant en nous le sentiment d’avoir franchi le plus difficile. Sajama nous attends, il y a des heures qu’on l’attend. Au passage, on salue (et prend en photo) les flamands qui se prélassent, bien entendu, à 4100 mètres d’altitude…


 Photo : Lindsey 








 Photo : Karl


On se moque des nouveaux obstacles. On retrouve finalement la route pavée et une station service. On en profite pour saluer le Chili…



Photo : Lindsey 


Photo : Yeri 


et on arrive à Sajama ! Déjà.


Photo : Lindsey 

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